Même lorsque des méthodes ou des processus internes sont utilisés, ils ne permettent pas toujours de s’adapter à un environnement changeant et concurrentiel, et peuvent ainsi limiter leur réplicabilité – et in fine leur légitimité.
Dès lors, comment objectiver la mesure de ces difficultés structurelles et mettre en œuvre des processus d’amélioration continue performants et durables ? C’est là qu’intervient le Capability Maturity Model Integration, regroupé derrière le sigle CMMI.
Genèse et définition du modèle CMMI
Le modèle CMMI® a été initié par le DoD (département de la Défense des États-Unis) dans les années 1980, pour lequel seuls 5% des projets étaient délivrés conformes et dans les délais. Ces difficultés ont conduit à l’élaboration d’un référentiel de critères lui permettant d’évaluer ses fournisseurs de logiciels. Le modèle aboutit finalement en 1991, appliqué initialement uniquement au génie logiciel ( software ). Il a été ensuite étendu à d’autres domaines : matériel informatique ( hardware ), fourniture de service, gestion des ressources humaines.
La légitimité du CMMI provient de la multiplicité des obstacles potentiels à la réussite d’un projet. Gestion du budget, réponse aux exigences, reporting, management… Autant d’éléments inhérents à une organisation qui peuvent, pris isolément, devenir une cause de dérapage dans le temps et dans le budget.
Le CMMI® fournit un cadre méthodologique pour assurer une efficacité organisationnelle globale , à partir d’un modèle de référence et de bonnes pratiques. L’objectif est de mesurer la capacité d’une structure à mener à bien des projets, en termes de délais, de fonctionnalités et de budget.
Il est principalement utilisé par les grandes organisations réalisant des projets informatiques de grande ampleur (Intel, Nokia, IBM, Motorola…).
Progresser dans la maturité des processus de management de projet
L’évaluation de cette capacité est effectuée à travers une échelle de mesure de la maturité à 5 niveaux, décomposés en indicateurs nécessaires pour apprécier les activités menées par une « équipe » (groupe de travail, équipe projet voire organisation entière). Bien que le modèle (dont la norme découle du CMMI institute) diffère entre les métiers, il est structuré autour d’un noyau (« core ») qui regroupe 60% des pratiques.
De manière générale, l’approche par la maturité permet de rendre les organisations plus solides face aux aléas de leur environnement (technologique, concurrentiel) en mettant en place des processus fiables ( reliable ), co-construits, partagés et compris par tous.
Chacun des 5 niveaux est associé à une liste de processus, regroupés en 4 catégories : gestion de projet, ingénierie (conception, réalisation), support (appui à la gestion de projet) et gestion des processus (activités de l’organisation pour favoriser le déroulement de ses projets). Les niveaux 2 à 5 font l’objet d’une certification.
Niveau 1 | Initial |
Les processus sont aléatoires et « réactifs », ce qui accroît les risques de sous-qualité et de dérapages. La réussite des projets repose davantage sur les capacités individuelles des porteurs de projets que sur des efforts collectifs et coordonnés. | |
Niveau 2 | Géré ( managed ) |
Un certain niveau de management de projet a été atteint. Les projets sont planifiés, exécutés et évalués, mais de nombreux éléments restent à améliorer. Les processus commencent à devenir réplicables. | |
Niveau 3 | Définis |
Les organisations qui ont atteint ce niveau sont plus proactives que réactives. Des standards à l’échelle de l’organisation sont mis en œuvre pour guider les projets. Les différentes entités identifient leurs lacunes et leurs cibles d’amélioration. | |
Niveau 4 | Gérés quantitativement |
La mesure des écarts et leur pilotage ont été améliorés. L'organisation travaille à partir de données quantitatives pour établir des processus bien identifiés qui correspondent aux besoins des acteurs. Les risques sont anticipés et l’on dispose de davantage de données sur les déficiences éventuelles. | |
Niveau 5 | Optimisé ou en cours d’optimisation |
On atteint le stade ultime de l’amélioration continue, où les processus sont stables et flexibles. C’est le terreau idéal pour mettre en œuvre des pratiques « agiles » et innovantes, dans un environnement de mieux en mieux maîtrisé. |
A noter : le modèle est compatible avec d’autres modèles (Scrum, Prince 2…) qui participent justement à la progression dans l’échelle de mesure des capacités.
Mise en œuvre
Une démarche CMMI constitue un projet en soi, qui demande une allocation de ressources humaines et financières importante. L’équipe sera constituée de :
- représentants de l’organisation évaluée ;
- représentants de la société évaluatrice. Celle-ci doit être certifiée par l’ISACA, est depuis 2016 propriétaire du CMMI institute.
Le projet se déroule alors en 5 phases, de l’initialisation jusqu’à l’évaluation officielle, qui s’apparente à un audit de la mise en œuvre des bonnes pratiques au sein de l’organisation. Elle fournit une photographie des pratiques au sein de l’organisation au moment de l’évaluation, mais ne donne pas lieu à une certification. Un niveau supérieur est atteint dès lors que la mise en œuvre opérationnelle des bonnes pratiques requises par le modèle CMMI® sur les projets est vérifiée.
Résultats attendus
Selon le CMMI institute, la mise en place de la méthode permet d’améliorer la qualité des produits de 70%, d’augmenter la productivité de 54% et la vitesse de développement de 23%. De fait, l’idée centrale du modèle CMMI® est de placer la performance des processus au cœur de l’organisation, en liant les objectifs directement aux opérations via un meilleur pilotage des indicateurs.
Ensuite, la « sécurisation » des niveaux par effet de cliquet permet de combiner agilité et résilience dans une même approche, en établissant des processus adaptés à un environnement évolutif. Les entreprises certifiées peuvent tirer profit des expériences et apprentissages faits par elles-mêmes, mais aussi par d’autres structures à travers un contenu sans cesse révisé par le CMMI institute.
Inconvénients
En revanche, le caractère exhaustif du modèle est aussi sa faiblesse : il peut être vu comme trop détaillé (d’où son adoption essentiellement par de grosses structures), et l’on est vite submergé d’informations lors d’une première approche (5 niveaux, 25 critères, 4 catégories de processus…). Il requiert donc une solide expérience pratique, alliée à une culture organisationnelle perméable a minima au changement (implication des employés, rigueur, partage et communication…). Il s’agira donc de sélectionner le « bon » degré de maturité pour l’organisation.
De plus, le coût élevé d’une certification CMMI® doit pouvoir s’apprécier en fonction des bénéfices attendus, au-delà des pourcentages de progrès annoncés d’emblée par l'institut.
Retrouvez notre modèle simple pour rédiger un cahier des charges, voir l'exemple.
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Commentaires
Arturo MAZZOLINI 4 sept. 2022 à 16:00 (Il y a 2 année)
Bonjour,
votre analyse est très juste. l'approche CMMI ne décolle pas dans les PME à cause de l'approche holistique qui est presque "décourageant" et peu engageant.
en tant que consultant, la maitrise des processus est notre quotidien et en effet, ils sont rares ceux qui peuvent affirmer n'avoir jamais eu recours à la théorie de la "variable d'ajustement" (que va-t-on sacrifier entre Qualité, couts et délais) et qui ont pu atteindre tous les objectifs planifiés.
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